OEDIPE, Mythe et complexe.

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Je remets en cause la théorie freudienne en ce qui concerne la petite enfance, parce que Oedipe avait 18 ans, lorsqu'il a tué son père. Il n'en avait pas trois. Par ailleurs, je cite le mythe, afin de lui donner une traduction adaptée à la relation parents-enfant, qui pose tant de problèmes à l'adolescence. Oedipe était un adolescent, lorsqu'il a tué son père et épousé sa mère. Sur le plan extérieur, c'est inacceptable, mais sur le plan intérieur, c'est une histoire très courante. Mais oui ! Encore faut-il la traduire de façon à ce qu'elle 'colle' avec des fonctionnements (et dysfonctionnements) connus, parce que vécus par la plupart d'entre nous.

Enfin, je m'inscris en faux contre cette affirmation intellectuelle véhiculée par les freudiens, que les garçons épousent leur mère et que les filles épousent leur père. Je développe l'hypothèse que ce n'est pas une question de sexe, mais une question de caractère. Autrement dit, un enfant devenu adulte peut épouser quelqu'un qui ressemble à son père, ou quelqu'un qui ressemble à sa mère. Dans ce cas, il accomplit le mythe. Je donne bien entendu les outils (les questions qu'il faut se poser) pour que chacun puisse vérifier par lui-même s'il entre dans ce cas de figure.

Le complexe.

Pour le comprendre correctement, il est nécessaire de traduire le mythe. Voyons d'abord la théorie freudienne, condensée dans le Petit Larousse illustré:

"Ensemble des sentiments amoureux et hostiles que chaque enfant éprouve à l'égard du couple parental : attachement sexuel au parent du sexe opposé, et haine à l'égard du parent du même sexe, considéré comme un rival. L'issue normale du complexe d'Oedipe est l'identification avec le parent du même sexe."

Cette définition est extrêmement dangereuse, car les mots utilisés semblent prêter aux enfants une sexualité précoce (sentiments amoureux, attachement sexuel, sentiments hostiles, haine, rival). Or, cela est entièrement faux. On sait aujourd'hui que les abus sexuels les plus nombreux sont commis au sein de la famille, et on peut se demander si certains pères ne s'abritent pas derrière cette définition pour justifier leurs propres désirs sexuels en face de leur petite fille.

Voici une analyse fondée sur le simple bon sens:

1. Un petit enfant aime son papa ET sa maman de tout son petit coeur - et avec son coeur seulement. Il n'y a rien de sexuel là-dedans. Par contre, il présente un intérêt pour le sexe (masculin et féminin) par pure curiosité pratique : Tiens, les filles et les garçons ne sont pas équipés de la même façon ! Pourquoi donc ?... On se demande du reste pour quelle obscure raison, la curiosité d'un enfant (si vive sur tous les sujets) s'arrêterait net devant l'appareil génital du genre humain...

2. La haine qui s'installe parfois dans le coeur d'un enfant pour l'un de ses parents, est uniquement fonction d'une attitude injuste de l'adulte, qu'il soit ou non du même sexe. Il suffit pour en être convaincu d'interroger un adulte sur ses relations d'enfant avec ses parents : qu'on soit fille ou garçon, on sait très tôt reconnaître, chez son père comme chez sa mère, les injustices, les abus de pouvoir, les méchancetés, et faire la différence avec l'amour sincère et respectueux. En règle générale, l'enfant rend la monnaie de ce qu'il reçoit = il aime des parents aimants / aimables, et déteste des parents détestables / qui aiment mal.

3. Le père et la mère restent les deux premiers modèles masculin et féminin. Mais c'est à l'adolescence que le risque est grand "d'épouser" l'un ou l'autre, dans la plus parfaite inconscience. Du reste, la psychanalyse semble avoir complètement occulté qu'Oedipe avait 18 ans, lorsqu'il a tué Laïos et épousé Jocaste.

4. Enfin, il y a de fortes chances pour qu'un "Oedipe mal résolu" chez un petit enfant, ne soit rien d'autre que la projection inconsciente de l'un de ses parents, et appartienne donc à l'adulte, et non à l'enfant. Autrement dit, un enfant trop attaché à sa mère, trop dépendant d'elle, manifesterait seulement l'insécurité maternelle, et son besoin à demi inconscient de la protection de sa propre mère (par exemple). D'autres analyses sont possibles, bien entendu.

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Le mythe.

Les mythes sont comme les rêves: ils mettent en scène des comportements humains suffisamment courants pour passer dans la mémoire collective sous forme de conte et de légende (profane ou religieuse). Les mêmes symboles y ont toujours la même valeur, tout comme dans les rêves. Voilà pourquoi il est indispensable de traduire correctement l'histoire d'Oedipe. La voici.

Laïos était le roi de Thèbes. Jocaste, la reine, attendait un enfant.

Or l'oracle, consulté, annonça que cet enfant provoquerait la ruine de la ville.

= Le roi et la reine symbolisent le père et la mère, à cause de l'immense pouvoir qu'ils ont sur leur enfant, ce qui leur confère une autorité royale. Par ailleurs, la ville est un symbole universel de l'âme humaine. Dans cette analyse, l'oracle représente la voix (divine) qui parle à l'homme dans ses rêves, mais dont le discours est crypté. Le comprendre au premier degré conduit toujours dans une impasse. Mais quel est donc le second degré ?

Si la ville représente l'âme d'un être humain, l'enfant susceptible de provoquer sa ruine ne peut être un enfant de chair. En effet, un bébé est complètement innocent, et personne ne peut dire quel sera son avenir, d'autant que cet avenir sera fortement influencé par l'éducation qu'il va recevoir. Comment, alors, concilier cela avec le principe absolu que l'oracle a toujours raison ? C'est très simple: L'enfant à naître est le symbole de l'infantilisme du père, qui est un facteur de la ruine de sa propre âme.

C'est cet enfant-là qui met notre âme en danger, celui qui vient de notre enfance et reste incrusté dans notre inconscient, pour cause d'un cordon non coupé. Cette situation, si fréquente de nos jours, ne l'était sans doute pas moins à l'époque où le mythe prit forme. Dès le début, l'histoire nous informe donc de la véritable situation intérieure de Laïos et de Jocaste: Ils n'ont pas réglé leur relation vis-à-vis de leurs propres parents, ils sont encore des enfants en face de leur pouvoir. Et cet enfant, qui reste en eux (car on peut supposer que c'est vrai pour tous les deux), cet enfant met leur âme en danger. Une des conséquences tragiques de cet état infantile, c'est qu'ils vont être prêts à croire n'importe quoi, si c'est dit avec suffisamment d'autorité (comme un enfant qui croit son père, même quand celui-ci se trompe). L'infantilisme du père le rend capable d'accepter le premier degré. C'est pourquoi il va rendre son fils responsable de son propre désastre intérieur.

Cette analyse explique deux fonctionnements tragiques de notre société moderne:

1. Le développement des sectes, qui repose en général sur l'infantilisme des adeptes, capables de croire n'importe quoi, si c'est le gourou qui le dit.

2. L'état dépressif ou le profond mal-être qui envahit souvent les adultes à la quarantaine (parfois avant). C'est ce que le mythe affirme à travers le symbole de la ruine de la ville. L'âme humaine est alors dans une déprime telle que cela donne quelquefois le sentiment d'être en ruines, intérieurement. Il est très important de comprendre que tous les mythes, contes et légendes mettent seulement en scène, de façon symbolique, des fonctionnements humains typiques, et collectivement très répandus.

À la naissance, Laïos fit percer le pied du nouveau-né avec une pointe, et ordonna à un serviteur du Palais de le tuer. L'homme, pris de pitié, alla l'abandonner dans la forêt, pensant qu'une bête sauvage ferait le travail à sa place. Mais un berger trouva l'enfant et le porta au roi de Corinthe qui l'adopta et l'appela Oedipe, ce qui signifie Pied Enflé.

Laïos est l'archétype de ces pères qui blessent leur fils ou leur fille (la pointe enfoncée dans le pied de l'enfant), sans s'en rendre compte, par infantilisme, mais aussi pour cause d'ego tout-puissant. En effet, pour blesser un enfant, il faut être persuadé de son bon droit. C'est alors l'ego qui est à l'oeuvre, et donne au père la certitude d'avoir raison. Cette certitude le pousse à devenir l'assassin de l'âme de son enfant. Il est intéressant de savoir que le grec "laïos" est devenu "laïus" en latin, et que ce terme est resté dans notre langue pour parler d'un discours moralisateur. C'est l'ego du père qui parle quand celui-ci assassine psychiquement son enfant, à coups de raisonnements qui justifient son injustice (="C'est pour ton bien."). Phrase terrible, contre laquelle on ne peut rien.

Toutefois, quand le même père se met à l'écoute de son coeur, il devient le roi de Corinthe: il élève cet enfant, et lui donne de l'amour, aussi. Car, bien entendu, tous les personnages symbolisent différents aspects du comportement de Laïos. Il a pitié de ce bébé, et ne va pas jusqu'au bout de sa cruauté. Cette attitude est mise en scène par le serviteur, qui renonce à tuer l'enfant. Les trois personnages sont trois facettes paternelles:

Celui qui ordonne le meurtre psychique (= le père identifié à son ego).

Celui qui n'ose pas le commettre (= le père qui doute de son droit).

Celui qui accueille l'enfant (= le père qui aime).

Devenu adolescent, Oedipe alla à son tour consulter l'oracle de Delphes. Il apprit alors avec horreur qu'il tuerait son père et épouserait sa mère. Décidé à empêcher la réalisation de la prédiction, et ignorant que le roi et la reine de Corinthe n'étaient que ses parents adoptifs, il choisit de ne pas retourner au Palais familial.

Oedipe a 18 ans. Il a vécu une enfance difficile, avec un père qui l'aime, certes, mais qui l'aime mal. La tige de fer qui lui a percé le pied, c'est la dureté de son père, qui a percé son coeur d'enfant. En effet, le pied et la tige sont des symboles masculins, qui représentent le petit garçon (le pied) et son père (la pointe).

J'ajoute que cela pourrait aussi bien représenter une fille, car toute partie du corps peut symboliser le sujet lui-même. Ce qui enfle (Oedipe = Pied-Enflé), c'est en principe l'ego. Au départ, c'est forcément l'ego du père, qui blesse l'enfant. Mais ensuite, pour se défendre, Oedipe va lui aussi développer son propre ego. C'est un schéma classique. Il y a toujours un moment où l'enfant se révolte contre les abus du père. Et naturellement, cela se fait en général à l'adolescence. Oedipe quitte donc le palais, comme tout jeune homme révolté, qui prend son indépendance en quittant le toit familial.

Oedipe a décidé d'aller à Thèbes. Alors qu'il marche dans un étroit sentier, dans la forêt avoisinante, il se heurte à un char qui lui barre le passage. Un homme âgé l'apostrophe et brandit son bâton sur lui pour qu'il s'écarte. Mais Oedipe possède maintenant la force et la fougue de la jeunesse : il tue le vieillard arrogant, et continue sa route. Il vient de tuer le roi Laïos, son père...

Tout comme celui du père, le meurtre perpétré par le fils sera psychique. Pour comprendre le sens du mythe, il suffit de se référer à notre langage courant. Voici ce qu'un jeune d'aujourd'hui (garçon ou fille) pourrait dire:

"Mon père m'a empêché de vivre pendant toute mon enfance. Chacune de ses paroles me clouait au pilori (= la pointe dans le pied). Il m'a toujours jugé(e) et condamné(e) sans appel. Il m'a littéralement assassiné(e)."

Laïos pourrait répondre:

"J'ai fait tout ce que j'ai pu pour extirper de cet enfant ses mauvais instincts. Mais j'ai échoué dans mon entreprise. C'est un(e) rebelle, qui se dresse contre moi avec la haine au coeur. Cela me tue. "

Ce que le père ne voit pas, c'est que son enfant était innocent au départ, mais qu'il a projeté son propre enfant infantile (révolté contre son propre père) sur l'âme tendre et sans défense de son fils (ou de sa fille). L'enfant n'a pas pu le repousser, car il est trop jeune pour pouvoir arrêter ce type de projection. Il peut seulement l'afficher à l'adulte, dans la rébellion et la tension. Cette situation va déboucher sur une rupture violente et la mort (dans l'âme) sera réciproque: chacun d'entre eux a "tué" l'autre, et cela génère beaucoup de souffrance de part et d'autre.

Lorsque Jocaste apprend la mort de Laïos, elle décide d'offrir le trône à celui qui débarrassera Thèbes du Sphinx qui sévit dans la forêt. Tous les jeunes gens qui l'ont affronté ont été dévorés, faute d'avoir pu répondre à l'énigme qu'il leur proposait. Oedipe, tout naturellement, va rencontrer le Sphinx.

Tous les jeunes gens (qui ont péri) symbolisent bien les différentes tentatives d'Oedipe pour échapper au pouvoir de son père. Dans la mesure où il vient de le tuer (= de tuer son pouvoir sur lui), il semble tout à fait normal qu'il soit maintenant capable de résoudre l'énigme (=le mystère) qui faisait de lui une victime.

Le Sphinx avait une tête de femme et un corps de lion. Il demanda à Oedipe : "Quelle créature marche à quatre pattes le matin, sur deux pattes à midi, et sur trois pattes le soir, et qui est d'autant plus faible qu'elle a plus de pattes ?" Oedipe répondit : "C'est l'homme, qui marche à quatre pattes dans son enfance, sur ses deux jambes dans son âge adulte, et grâce à une canne au soir de sa vie. Et c'est au midi de sa vie qu'il est le plus fort, quand il n'a que deux pattes."

L'énigme retrace l'histoire du père et du fils: Oedipe enfant était trop faible pour affronter son père. Maintenant, le père est vieux, le fils est devenu adulte, le rapport de forces est inversé. La preuve: il vient de tuer le vieillard qui lui barrait la route et brandissait sur lui son bâton (= la troisième "patte"). Ce qui est vrai pour le père est également vrai pour la mère, car le pouvoir est beaucoup plus psychique que physique. C'est ce que le mythe veut probablement dire, à sa façon mystérieuse et codée, en précisant que le Sphinx avait une tête de femme. Le lion-ego peut fonctionner aussi bien à l'intérieur d'une femme que d'un homme.

En fait, dans cette traduction, le Sphinx symbolise Laïos lui-même, qui cherche à garder le pouvoir sur son fils, en lui disant en quelque sorte : "Tu n'es qu'un blanc-bec : Si on te presse le nez, il en sort du lait. Tu n'es pas un homme, tu ne sais rien de la vie. Moi j'ai l'expérience, toi tu ne sais rien..." Tant que le jeune se sent "petit" en face de son père, il ne peut rien contre ce discours. Mais il arrive toujours un moment où il peut répondre comme un adulte, en face de son père, diminué par l'âge. Cela vient de se produire. Oedipe, en répondant: "C'est l'homme", a dit en réalité: "Je suis un homme, maintenant, et tu ne me fais plus peur."

À cause de la confrontation physique, le mythe met effectivement ici davantage en scène un garçon qu'une fille. Mais tout le côté relationnel intérieur est valable pour les deux sexes.

Le Sphinx est vaincu : Oedipe lui tranche la tête et va la porter à Jocaste, la reine de Thèbes, sa mère. Le terrible mariage aura bien lieu.

Oedipe a cru avoir résolu son problème en tuant son père dans son coeur (= il ne l'aime plus), et en l'arrachant de son mental (= il lui tranche la tête). Mais le cordon est un viscère: il nous relie aussi à nos instincts, c'est-à-dire à des comportements qui n'obéissent pas à la raison, et dont le pouvoir est d'autant plus dangereux qu'on n'en a pas conscience. Oedipe croit sincèrement être devenu adulte. Il n'en est rien. Viscéralement, il est resté un petit enfant, attaché à sa maman. Cet enfant, il le porte dans son inconscient, et c'est lui qui va le pousser à épouser sa mère (= épouser quelqu'un qui ressemble à sa mère). Il va reproduire le couple parental, en assumant le rôle de son père (à qui il ressemble). Le complexe d'Oedipe, vu sous cet angle, est extrêmement répandu : On épouse son père (ou sa mère), ce n'est pas une question de sexe, c'est une question de caractère. Voici deux exemples:

Martine ressemble à son père. Elle a son caractère intransigeant et difficile. Elle épouse un homme docile et soumis, comme sa mère: Elle a épousé sa mère.

Joelle, sa soeur, est le portrait de sa mère. Elle aussi reproduit le couple parental en épousant un homme violent comme son père : Elle a épousé son père.

Ce n'est donc ni la différence d'âge, ni le sexe qui sont déterminants, c'est le caractère. Cette projection inconsciente du modèle paternel ou maternel fonctionne très couramment, mais pas toujours. Pour que cela saute aux yeux, il faut se poser la question: "À qui ressemble mon partenaire sentimental ? à mon père ou à ma mère ?" Quand le complexe d'Oedipe a joué, la réponse est claire, et beaucoup de femmes réalisent avec étonnement qu'elles ont "épousé" leur mère, alors que nombre d'hommes sont surpris d'avoir "épousé" leur père... Autrement dit, les filles n'épousent pas toujours leur père, ni les garçons leur mère.

À cette situation de base, il faut ajouter que la généralisation des "familles recomposées" rend possible la projection du complexe d'Oedipe sur le beau-père ou la belle-mère, qui peuvent marquer très fortement l'âme d'un enfant, surtout quand il les accepte mal (que ce soit justifié ou non, mais surtout si c'est justifié...).

Oedipe a épousé Jocaste, et a eu d'elle deux enfants (dont le destin sera tragique). Après plusieurs années, la stérilité se déclare dans Thèbes. Selon d'autres auteurs, il s'agit de la peste. Oedipe consulte l'oracle. Il apprend que ce fléau cessera si le meurtrier de Laïos est démasqué. De fil en aiguille, il finit par découvrir la vérité. Il ouvre les yeux sur son destin et comprend qu'il l'a subi jusqu'au bout. Jocaste se pend. Lui, se crève le yeux et devient un mendiant qui erre sur les routes...

Ce triste destin est trop souvent celui de notre humanité. Le fléau qui s'abat sur Thèbes est celui qui ravage notre âme lorsque nous avons échoué à nous libérer de nos parents, ce qui permet fréquemment à notre ego de prendre le pouvoir.

Parlons un peu de Jocaste. Quand une mère "épouse" son fils, aucune belle-fille ne peut lui convenir. Son fils lui appartient et elle seule peut le combler. Cela existe, malheureusement. Cette situation génère beaucoup de souffrance, car personne n'est heureux: ni la mère, ni le fils, ni l'épouse du fils.

Mais, une fois la traduction faite, on sait que Jocaste n'était pas la mère d'Oedipe: Elle était seulement une femme qui lui ressemblait.

Mais dans le mythe, cette traduction n'est pas faite. On peut donc considérer que Jocaste est une mère qui a symboliquement épousé son fils. Pourquoi ? On peut faire l'hypothèse qu'une femme qui n'a pas coupé son cordon avec son fils est incapable de le laisser vivre sa vie. C'est comme si elle était amoureuse du garçon, et aucune belle-fille ne lui conviendra jamais. Malheureusement, ce terrible cordon est mortifère (il ne peut être nourricier que dans l'enfance). Le cordon étrangle souvent (= il empêche l'enfant devenu adulte de s'exprimer en face de ses parents). Une mère qui a "épousé" symboliquement son fils, n'est pas incestueuse sur le plan physique, mais c'est une situation qui va gâcher la vie de son garçon en le maintenant dans la dépendance. En ce qui concerne Jocaste, son cordon l'étrangle, elle aussi. Cela pourrait signifier qu'elle était prisonnière de deux attachements viscéraux, le premier l'enchaînait à sa propre mère, le second à son fils. On peut faire l'hypothèse que les mères qui ne peuvent lâcher leurs enfants sont elles-mêmes prisonnières de leurs propres parents.

Quant à Oedipe, il symbolise l'homme à la perfection: Il préfère se crever les yeux plutôt que de regarder en face sa réalité intérieure. À moins que cette réalité n'ait fini par lui crever les yeux? On peut choisir entre les deux sens, mais ce qui est sûr, c'est que sa détresse est profonde: Il devient un mendiant errant.

Pour vérifier cette traduction, il suffit de s'interroger sur son propre couple, et sur les couples de son entourage. Le résultat est généralement probant, même si cela ne fonctionne par toujours, car on peut aussi épouser son propre ego (mariage difficile s'il en est!).

Il arrive également qu'on épouse son âme-soeur, ou son âme-frère. Dans ce cas, bien entendu, le couple est durable et confortable.

Il faut toujours vérifier une hypothèse, avant de l'entériner.

Elle est juste si elle provoque ce genre de réaction : "C'est exactement ça !"

Je l'ai personnellement vérifiée si souvent dans ma pratique professionnelle, que je crois juste cette analyse-traduction.

Toutefois, chacun doit la vérifier pour lui-même avant de l'accepter comme la vérité.

 

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