PHILOSOPHIE

L'allégorie de la caverne.

Platon essaie de représenter à travers ce mythe la situation de notre humanité, depuis les origines. Si vous allez sur Internet, vous y trouverez de nombreuses explications sur l'ignorance des hommes en ce qui concerne la réalité, leur aveuglement, leur obscurantisme, leur incapacité à "voir" et donc à "comprendre" leur propre vérité. Certes, c'est juste, mais c'est intellectuel et surtout, cela n'explique pas pourquoi nous sommes toujours dans cette terrible situation.

Je fournis donc ici une explication différente, personnelle, fondée sur l'interprétation des rêves et mon travail sur l'inconscient. Je tiens compte de la valeur symbolique des mots : la grotte, la chaîne et, plus loin, le soleil.

Voici quelques extraits de cette célèbre allégorie (dont j'ai supprimé le dialogue).

Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière ; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu'ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête ; la lumière leur vient d'un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux ; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.

On peut comprendre ce mythe à deux niveaux, non exclusifs l'un de l'autre. En effet, la caverne est le symbole de l'utérus maternel, mais aussi de l'inconscient.

Dans l'utérus, la chaîne est évidemment le cordon ombilical qui attache l'homme à sa mère (et à son père) en le privant de toute liberté par le seul fait de faire perdurer en lui un petit enfant fragile et vulnérable, incapable par conséquent de gérer correctement sa vie d'adulte.

Dans l'inconscient, la chaîne me semble être celle de l'ego, qui empêche l'être humain d'accéder à la réalité de son âme, en le confinant, justement, dans l'inconscience, en l'empêchant de prendre pleinement en compte son identité véritable.

Le texte précise qu'ils "sont là depuis leur enfance" (mais ce sont des adultes). Ma pratique m'a enseigné que l'ego utilise le pouvoir parental, en s'abritant derrière cette autorité, ce qui lui évite de prendre directement les décisions. Tant que les parents dirigent leur enfant adulte, il n'a même pas besoin de se manifester. C'est surtout quand le jeune adulte cherche à secouer le joug parental, que l'ego intervient pour lui donner mauvaise conscience, le taxer d'indignité et d'ingratitude. Ce discours est terrible, car il déchire littéralement l'individu, entre les exigences de ses parents, et ce qu'il n'ose pas considérer comme ses droits pourtant légitimes. La meilleure des mamans devient une sorcière dès qu'elle refuse de voir grandir son enfant en l'infantilisant, ce qui le retient prisonnier de son amour égoïste.

Note. On croit souvent - à tort - qu'aimer ses enfants, c'est se faire du souci pour eux, et qu'aimer ses parents, c'est leur obéir. Cela est FAUX. L'amour n'a rien à voir avec les inquiétudes ou les angoisses, qui sont générées par l'ego. Ces sentiments détruisent celui qui les ressent, et coupent leurs ailes aux jeunes adultes. L'amour est tout le contraire: c'est la confiance et la liberté. Quant à l'obéissance, elle convient à un enfant trop petit pour se diriger tout seul, mais elle est une terrible entrave pour un jeune adulte. Or, le cordon est le vecteur qui distille à la fois l'inquiétude des parents et l'obéissance forcée des enfants. Quand cette terrible chaîne est coupée des deux côtés, la relation devient affectivement saine et sereine.

[...] Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d'hommes et d'animaux, en pierre, en bois, et en toute espèce de matière ; naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent. [...] Ils nous ressemblent. Dans une telle situation, ils n'ont jamais vu autre chose d'eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face. [...] S'ils pouvaient s'entretenir ensemble, ils prendraient pour des objets réels les ombres qu'ils verraient. [...] De tels hommes n'attribueraient de réalité qu'aux ombres des objets qu'ils verraient.

L'image est forte, et très juste. Pourtant, l'être humain y résiste d'autant plus qu'il est plus inconscient de sa véritable identité. Chaque lecteur peut mesurer à travers sa résistance, le degré de sa connaissance de lui-même. Car nous sommes tous dans cette situation (= ils nous ressemblent). Aujourd'hui, chacun sait qu'il a un inconscient, dans lequel il ne peut entrer. Freud, qui l'a découvert, en a malheureusement fait en même temps une poubelle si nauséabonde que beaucoup de gens ont peur d'aller voir ce qui s'y passe. C'est une erreur regrettable, car l'inconscient est notre meilleur ami, qui cherche à entrer en contact avec nous par le biais des rêves et des visions. C'est alors qu'on peut se rendre compte qu'effectivement, on était enchaîné à sa mère ou à son ego (ou aux deux). Et c'est parce qu'on le sait qu'on devient capable de changer cette situation. On voit alors par ses propres yeux, et non plus par parents ou ego interposé(s).

[...] Qu'on détache l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière : en faisant tous ces mouvements, il souffrira, et l'éblouissement l'empêchera de distinguer ces objets dont tout à l'heure il voyait les ombres. [...] Si quelqu'un vient lui dire qu'il n'a vu jusqu'alors que de vains fantômes, mais qu'à présent, plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste, [...] il sera embarrassé, et les ombres qu'il voyait tout à l'heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu'on lui montre maintenant.

Cette résistance n'est valable que pour ceux qui reçoivent ce discours de façon intellectuelle. Quand on entre dans son inconscient (par le rêve nocturne ou éveillé), on accède immédiatement à cette vérité, et tous les discours de l'ego (car c'est lui qui ne veut rien entendre) sont écartés très naturellement. Il est en effet très différent de se dire qu'on est dirigé par ses parents ou par son ego, et de voir un petit enfant en soi... ou un monstre inquiétant. La première approche est uniquement cérébrale, la seconde parle au coeur et aux tripes : elle contourne le mental, ou plutôt passe avant lui, si bien que l'approche cérébrale ne vient qu'ensuite, et repose sur la certitude du ressenti. Du coup, elle échappe à l'ego.

[...] Et si on l'arrache de sa caverne par force, qu'on lui fasse gravir la montée rude et escarpée, et qu'on ne le lâche pas avant de l'avoir traîné jusqu'à la lumière du soleil, il souffrira vivement, et se plaindra de ces violences. [...] Il aura besoin d'habitude pour voir les objets de la région supérieure. [...] A la fin, j'imagine, ce sera le soleil - et non ces vaines images réfléchies dans les eaux ou en quelque autre endroit - mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu'il pourra voir et contempler tel qu'il est.

Pour notre humanité, cette accession à la vérité, s'est toujours faite dans la souffrance et le déchirement. La raison en est assez simple : l'ego a toujours été notre maître. L'ego n'est pas un créatif. Il répète sans la remettre en cause, une vérité proposée par d'autres, sans jamais chercher à la passer au crible de notre esprit critique ou de notre expérience. C'est pourquoi l'humanité a eu tant de mal à mettre en place des sciences exactes, dans tous les domaines, y compris le domaine de la spiritualité. L'ego a pris le pouvoir à travers toutes les religions, en gardant les textes sacrés au premier degré.

[...] Après cela, il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c'est lui qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde visible, et qui d'une certaine manière, est la cause de tout ce qu'il voyait avec ses compagnons dans la caverne. [...] Or donc, se souvenant de sa première demeure, de la sagesse qu'on y professe, et de ceux qui furent ses compagnons de captivité, il se réjouira du changement et plaindra ces derniers.

Il est intéressant de savoir que le soleil est un symbole de l'Esprit (ce que nous appelons Dieu), source de la conscience humaine (cette source serait notre âme). Si on pose les égalités suivantes: Esprit=Dieu=conscience humaine=âme, on obtient de l'homme une vision élargie, qui rapproche l'humanisme des religions traditionnelles, en supprimant leur côté surnaturel, au profit de la véritable nature humaine. Mais pour cela, il est indispensable d'échapper à la crédulité de l'enfance.

Lorsqu'on devient adulte psychiquement, l'étroite prison de l'infantilisme s'ouvre brusquement sur la liberté et l'autonomie. Si l'autorité de l'ego est également dépassée, alors l'être humain accède vraiment à la sagesse, et son regard sera lucide et compatissant par rapport à ceux qui n'ont pas réussi à faire le même chemin que lui, parce qu'il se souviendra d'avoir été comme eux. S'il ne fait pas cette prise de conscience, il va les juger d'autant plus sévèrement qu'il ne se rend pas compte qu'il est en fait dans la même situation qu'eux...

 

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