Conversations avec Dieu.

(Neale Donald Walsch, Ed. Ariane)

L'auteur de ce livre est un américain qui a reçu un jour des réponses à ses questions, venant d'une instance intérieure affirmant qu'elle était Dieu. Un dialogue en est sorti qui a été édité en trois volumes.

Ce livre est d'autant plus intéressant pour moi, qu'on peut le lire avec la clé que je propose : l'homme est deux. En effet, tout au long de son discours, Dieu affirme que l'homme doit choisir "Qui il est", en cessant d'être "Qui il n'est pas"...

"Tu ne peux faire l'expérience de toi-même en tant que ce que tu es, avant d'avoir rencontré ce que tu n'es pas. [...] Et tu ne peux te créer à moins de te dé-faire. En un sens, tu dois d'abord "ne pas être" afin d'être. Me suis-tu ?"

En ce qui me concerne, cela me va très bien. Il suffit d'ajouter les deux mots-clés: Tu dois d'abord ne pas être l'ego, afin de pouvoir être ton âme. Certes, le mot "ego" n'est pas écrit, mais pour moi, c'est une évidence. Beaucoup de choses intelligentes et fines sont dites dans ce livre.

"Je parle à chacun. Tout le temps. La question n'est pas : à qui je parle, mais : qui écoute ? [...] J'utilise souvent des images. [...] J'utilise également des paroles. En vérité, les paroles sont l'outil de communication le moins efficace. C'est l'outil le plus souvent ouvert à l'interprétation, le plus souvent mal compris. [...] Les paroles sont des symboles, des signes, des insignes. Elles ne sont pas la vérité. Elles ne sont pas ce qu'elles représentent."

Au fil du temps, j'ai été amenée à établir des liens troublants entre les symboles utilisés par les rêves, et ceux qu'on trouve dans les Ecritures. Le rêve parle par images, mais pour raconter ces images, on utilise le vocabulaire de sa langue maternelle. Les images deviennent à ce moment-là des paroles, et on sait que tout rêve est symbolique. On le sait aussi pour les Ecritures, mais la difficulté vient du fait que le sens des symboles varie d'un auteur à l'autre, d'un exégète à l'autre, d'un psychanalyste à l'autre, d'une école à l'autre. C'est ce que semble dire le texte: Si 'Dieu' nous parle dans nos rêves (les images), Qui l'écoute? Et surtout, Qui le comprend? Qui traduit correctement sa parole? ("C'est l'outil le plus souvent mal compris").

J'ai déjà dit que si Dieu existe, le moins qu'on puisse lui demander, c'est d'avoir un discours intelligent. Or, si on reçoit un rêve, ou si on lit un texte inspiré, la plupart du temps, on a l'impression gênante qu'il n'y a là que très peu de cohérence. Cela peut signifier deux choses:

Si la deuxième hypothèse est la bonne, viendra obligatoirement un jour où le code, utilisé dans les rêves et les Ecritures, sera découvert. Alors, tous ces textes symboliques révèleront bon sens, intelligence et efficacité. En ce qui concerne les rêves, les rêveurs pouront y reconnaître leur vérité intérieure...

Dans ce livre, toutefois, sa Parole est presque toujours intelligible sans traduction. (Quand ce qui est dit est choquant, ou étrange, c'est qu'une traduction est nécessaire).

"D'autres ont prononcé bien des paroles en mon nom. [...] La difficulté, c'est de connaître la différence entre les messages de Dieu et les données provenant d'autres sources."

Certes, les sources en question ne sont pas élucidées, si bien que le lecteur va penser à tout, sauf à son propre ego. Mais pour moi, il ne peut s'agir que de lui: il parle tout le temps à la place de ce Dieu que nous croyons connaître à travers ceux qui ont autorité sur les Ecritures. Ceci dit, comment faire la différence entre la vraie parole et la fausse?

"Ta pensée la plus élevée, ta parole la plus claire, ton sentiment le plus magnifique viennent toujours de moi. Tout le reste provient d'une autre source. [...] La pensée la plus élevée est toujours celle qui renferme la joie. Les paroles les plus claires sont celles qui contiennent la vérité. Le sentiment le plus magnifique est celui que tu appelles amour. [...] Une fois qu'on a distingué, à l'aide de ces indications, mes messages de ceux qui proviennent d'une autre source, il ne reste plus qu'à savoir si mes messages seront entendus."

Si on accepte l'hypothèse que chaque être humain abrite dans son âme cet ennemi intérieur, d'autant plus dangereux qu'on ignore sa présence, ou pire, qu'on s'est identifié à lui, on comprend tout de suite que chaque parole désagréable, chaque sentiment trouble, chaque acte négatif, viennent de cet ego perfide (=celui que nous ne sommes pas). Et on comprend aussi que tout ce qui est noble en nous vient de notre source spirituelle (=celui que nous sommes), et c'est cette source qui nous parle dans ce livre.

Alors, on comprend pourquoi toutes les Ecritures ont été perverties dans leurs applications = c'est l'ego qui les a expliquées en forçant l'homme à les accepter au premier degré. Pour le rêve, c'est la même chose: l'ego s'agrippe au plan extérieur, si bien que peu de gens comprennent réellement le sens de leurs rêves. Dans le cas de Fritz Zorn, l'ego a même réussi à créer en lui le cancer qui va le faire mourir. Et si on lit son livre depuis le début jusqu'à la fin, on remarque hélas que pas une fois, on ne rencontre des mots tels que joie, vérité ou amour. Ces trois concepts sont inconnus de l'ego.

"Je ne pourrai te dire ma vérité que lorsque tu cesseras de me dire la tienne. - Mais ma vérité à propos de Dieu vient de toi (lui rétorque l'auteur). - Qui a dit cela ? - D'autres. - Quels autres ? - Des leaders, des pasteurs, des rabbins, des prêtres, des livres. La Bible, pour l'amour du ciel ! - Ce ne sont pas des sources autorisées."

La phrase est dure, mais elle a le mérite de remettre en cause tous les discours religieux, qui ont été si souvent (et sont encore) la source de guerres, d'atrocités, d'intolérance au niveau des nations, et de désespoir au niveau des individus. Beaucoup de gens pensent que si le Christ revenait aujourd'hui, il ne reconnaîtrait pas son Eglise. Je pense personnellement que son Eglise ne le reconnaîtrait pas. Ce texte semble me donner raison. Dans un autre passage, où l'état de la planète et le chaos de nos sociétés sont évoqués, on peut lire ceci:

"C'est lorsque vous verrez en vous-mêmes ce qui a causé le crime, que vous commencerez, enfin, à guérir les conditions qui lui ont donné naissance."

La traduction est facile, mais encore faut-il la faire : C'est à l'intérieur de l'homme (=en vous-mêmes) que se trouve la cause de ses crimes (= l'ego). Tant que nous ne le verrons pas, nous ne pourrons pas "guérir". Le verbe voir n'est pas innocent: le rêve parle par images, et l'ego doit être identifié dans ces images. Voir un monstre, c'est voir son ego, et c'est le seul moyen de le vaincre.

"Si vous choisissez de croire en un Dieu qui, d'une façon ou d'une autre, a besoin de quelque chose (et qui est si contrarié, s'il ne l'obtient pas, qu'il punit ceux dont il s'attendait à le recevoir), alors vous choisissez de croire en un Dieu beaucoup plus petit que moi. Vous êtes vraiment les enfants d'un Dieu inférieur."

C'est l'ego qui punit, c'est lui, le Dieu inférieur, vengeur et sanguinaire. Il lui suffit de dire: "Tu vois, Dieu te punira si tu ne fais pas sa volonté". Mais il parle de lui, qui se prend pour Dieu, et le fait croire à l'homme... L'homme d'aujourd'hui s'interroge et se révolte de plus en plus sur ces paroles et ces exigences.

"Viens vers moi par la voie de ton coeur, et non par celle de ta tête. Tu ne me trouveras jamais au niveau de ta tête. Pour vraiment trouver Dieu, tu dois perdre la tête !"

Ma pratique m'a permis de comprendre que le mental était l'outil privilégié de l'ego. Quand il s'installe aussi dans le coeur, l'état de la personne devient souvent un enfer. Mais c'est dans la tête que tout commence toujours par déraper. L'ego est très fort là-dessus, et l'homme, bien entendu, est d'autant plus crédule, qu'il a gardé en lui un petit enfant encore dépendant de ses parents.

"Comment un Dieu juste peut-il exiger une souffrance, une absence de joie et un sacrifice sans fin, même au nom de l'amour ? La réponse est : Dieu ne l'exige pas. Dieu te demande seulement de t'inclure toi-même parmi ceux que tu aimes. Dieu va plus loin. Dieu te suggère (te recommande) de t'accorder la première place. [...] Le fait de t'accorder la première place ne mène jamais à un acte irrespectueux."

Quel soulagement d'entendre cela, venant de Dieu lui-même! Ce raisonnement est bien entendu fondé sur l'hypothèse que l'homme choisit d'être son âme (=Qui il est=sa véritable identité), et non son ego (=qui il n'est pas=son faux-self).

C'est alors qu'il devient (je cite) "semblable à Dieu, ce qui ne veut pas dire choisir le martyre, et certainement pas choisir d'être victime"...

C'est ce que j'affirme souvent sous cette forme simple: Il ne faut jamais accepter l'inacceptable.

"Qu'est-ce qui est "bien" ou "mal" ? Peux-tu véritablement être objectif sur ces questions ? [...] Et sur quoi, dis-moi, repose ta décision ? Sur ta propre expérience ? Non. Dans la plupart des cas, tu as choisi d'accepter la décision de quelqu'un d'autre. Quelqu'un est venu avant toi, et présumément, s'y connaît mieux. Parmi tes décisions quotidiennes sur le "bien" et le "mal", très peu viennent de toi à partir de ta compréhension des choses. [...]

C'est pourquoi, en passant, les religions humaines rassemblent autant d'adeptes. La nature du système de croyance ne compte presque pas, pourvu qu'il soit ferme, cohérent, clair dans ses attentes envers l'adepte, et rigide. Selon ces critères, on trouve des gens qui croient en presque n'importe quoi. Le comportement et la croyance la plus étrange peuvent être - ont été - attribués à Dieu. C'est la vérité de Dieu, disent-ils. La parole de Dieu.

Et il y a ceux qui acceptent cela. Avec joie. Car, vois-tu, cela élimine la nécessité de penser."

Revenons à l'ego. J'ai déjà dit qu'il était incapable de créer. Il est seulement expert pour reproduire. C'est lui qui rend l'homme moutonnier, dans tous les domaines, mais surtout, surtout dans le domaine spirituel. Un animal ne pense pas. L'ego est un animal, il accepte simplement la pensée d'un autre. Cet animal à l'intérieur de l'homme, s'accroche d'autant plus fort à une croyance qu'elle est invérifiable, et souvent indéfendable.

Je me souviens d'une femme, témoin de Jéhovah, venue me voir pour me convaincre. Je lui parlai des rêves, dont la Bible affirme qu'ils viennent de Dieu: "Vous devez sans doute vous intéresser aux vôtres?" Elle fut horrifiée: "Dieu parlait aux hommes de cette façon, il y a 2000 ans, mais plus maintenant..." Qui a dit cela? Quelle étrange affirmation..." Mais je sentis surtout sa peur d'être entraînée dans un domaine où personne ne lui avait donné de réponse pré-établie.

Penser par soi-même est pourtant le signe de l'humanité. Malheureusement, on ne l'apprend pas à l'école (sauf cas exceptionnel) car cela serait susceptible de remettre en cause l'autorité des maîtres. On ne l'apprend pas non plus en famille, car cela serait susceptible de remettre en cause l'autorité des parents. Ni dans la vie professionnelle, pour sauvegarder l'autorité de ceux qui ont le pouvoir. Mais cela reste surtout proscrit dans le domaine religieux, quelle que soit la religion, car cela mettrait en péril l'autorité des chefs religieux.

Je sais que le rêve permet d'accéder à sa vérité, à sa pensée personnelle. La raison en est simple et facile à comprendre. Lorsque l'individu pense, il n'utilise que la moitié de son potentiel (= son conscient). Son ego, caché dans son inconscient, pèse de toutes ses forces pour le détourner de sa vérité. Il se sent alors très fragile, et renonce souvent à ce qu'il sait être bon pour lui. S'il reçoit un rêve à ce sujet, il comprend que sa vérité est entérinée par son inconscient, et cela lui donne la force nécessaire pour exprimer d'abord ce qu'il pense, puis pour le mettre en oeuvre. Cela lui permet devenir "Qui il est" vraiment, peu à peu, au fil des rêves interprétés. Mais cela reste pratiquement impossible tant qu'il est sous la coupe de ce terrible ego-animal, capable de lui faire faire tout et n'importe quoi. Il se laisse alors diriger par "Qui il n'est pas".

À ce sujet, la très célèbre (sainte) Catherine de Sienne entendit un jour Dieu lui dire:

"Je suis celui qui suis, et toi, ma fille, tu es celle qui n'est pas."

Cela semble bien affirmer qu'elle était complètement dominée par son ego. (cf Sectes et Religions). Voici quelques citations des CAD :

"Un tel choix (une décision qui ne vient d'aucune connaissance personnelle préalable) s'appelle pure création. Et l'individu est conscient, profondément conscient, qu'en prenant de telles décisions, le Soi se crée.

Une oeuvre aussi importante n'intéresse pas la plupart d'entre vous. La plupart d'entre vous préférez la laisser à d'autres. Ainsi, la plupart d'entre vous n'êtes pas vos propres créateurs, mais des créatures de l'habitude : vous êtes des créatures des autres.

Alors, quand d'autres t'ont dit comment tu devrais te sentir, et que cela contredit la façon dont tu te sens vraiment, tu éprouves un profond conflit intérieur. Quelque chose de profond en toi te dit que ce qu'ont dit les autres n'est pas Qui tu es... [...]

On célèbre rarement celui qui choisit de suivre sa vérité personnelle. En fait, c'est tout le contraire. [...] Quoi ? Tu penses tout seul? Tu décides toi-même ? Tu appliques tes propres critères, tes propres jugements, tes propres valeurs ? D'ailleurs, pour qui te prends-tu ?

En vérité, c'est précisément la question à laquelle tu es en train de répondre. Mais il faut accomplir ce travail dans une grande solitude. Sans récompense, sans approbation, peut-être même sans que personne ne le remarque. [...] Alors, pourquoi continuer ? [...] La raison en est ridiculement simple : IL N'Y A RIEN D'AUTRE A FAIRE. "

S'il est vrai que penser par soi-même a toujours été une entreprise ardue, solitaire et parfois dangereuse (Jésus, Galilée), j'ai la faiblesse de croire (mais n'est-ce pas une force?) que si l'ego fait son coming-out, tout cela sera balayé rapidement, et notre humanité accèdera enfin à ses valeurs propres: tolérance, bienveillance, sagesse. Nous n'aurons plus besoin de religions pour nous diriger, puisque ce sera l'âme de chaque être humain qui prendra les décisions, dans son coeur. L'ego sera baillonné. Le salut de l'homme s'installera tout naturellement sur la parole de son âme.

Il est dit, à la fin du chapitre 12:

"Tu as droit à la joie. [...] Dieu dit qu'il est bien d'être heureux."

Voilà une excellente nouvelle. Personnellement, je dis même que nous avons le "devoir" d'être heureux. Mais cela suppose de bien comprendre comment cela fonctionne:

"Dans l'ordre véritable des choses, on ne fait pas quelque chose afin d'être heureux : on est heureux et, par conséquent, on fait quelque chose. On ne fait pas quelque chose afin d'être compatissant, on est compatissant et, par conséquent, on agit d'une certaine manière."

Or, si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, on n'est pas méchant, quand on est heureux, et on pose l'acte juste, quand on est réellement compatissant. Mais bien entendu, quand cet ordre est respecté, c'est l'âme qui commande. Dans l'ordre inverse, c'est l'ego qui dirige, et qui impose dehors, comme dedans. Les résultats sont catastrophiques, parce qu'on a confondu l'être et le faire, en mettant le second avant le premier. Cela est aussi exprimé ailleurs sous cette forme:

"Choisis qui tu veux être. Certains disent : Je suis mon corps. D'autres disent : Je suis mon âme."

Et il est troublant de constater que Je suis, en français, est très proche de Jésus... et qu'en anglais, I am sonne comme âme, du point de vue de la phonétique, et se trouve aussi être l'anagramme de Ami, et de Aime. On peut y voir un simple hasard. On peut aussi y voir un signe...

Conclusion.

J'ai réuni dans mon site un philosophe grec et un écrivain mort de son cancer, des textes bibliques très anciens et une parole "divine" récente. Cela représente des entrées très différentes pour s'introduire dans l'âme humaine. Mais chaque texte éclaire l'autre, et au final, tous les discours s'interpénètrent et proposent chacun une vérité parcellaire, capable d'ajouter sa lumière à celle des deux autres.

Qui suis-je ? est une question existentielle, à laquelle l'homme cherche depuis toujours une réponse. Aujourd'hui, tout le monde a sa carte d'identité. Mais la véritable identité pourrait bien être psychique, et relever uniquement des valeurs bafouées de l'âme. Visiblement, en ce début de siècle, toutes les valeurs de l'ego s'écroulent, entraînant avec elles notre civilisation, construite sur ces valeurs. Bon débarras ! Si notre âme prend le relais, nous aurons enfin une chance d'accéder à notre humanité.

En effet, nous sommes des "êtres humains". Cette expression est fondée sur le verbe Être et sur l'adjectif Humain, qui est le contraire même de : animal, injuste et cruel. Dans ces cas-là, on parle justement de comportement "inhumain" : c'est l'ego qui en est l'auteur, selon moi. L'homme n'a pas à chercher à devenir Dieu. Il lui suffirait de... être humain. C'est ainsi qu'il obtiendrait tout naturellement le résultat qu'il espère en vain depuis si longtemps : l'union avec Dieu, qui est sa véritable identité.

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