LA SECONDE GENESE : Adam et Eve

Contenu.

Cette genèse s'imbrique dans la précédente, et semble en être la suite. Il n'en est rien. Le style est très différent, tout autant que la source. La première est dite "Yahviste" parce que Dieu y est appelé Yavhé. Elle est très abstraite, on pourrait dire 'intellectuelle', alors que la seconde est beaucoup plus imaginative, c'est un véritable conte qui nous est proposé. Elle est dite d'inspiration "Elohiste"parce que Dieu y est appelé 'Elohim' ('l'Eternel Dieu' dans la traduction de Segond).

Il s'agit donc d'une autre approche de la Création, totalement différente, mais également symbolique. Les textes de création du monde sont extrêmement nombreux, il y en a dans toutes les civilisations, et tous, sans exception, doivent être traduits et compris (selon moi) comme des mises en scène du passage du préhominien au statut d'homme, conscient de lui-même et du monde extérieur.

Cette approche liée à l'évolution de notre humanité, peut se lire également sur le plan de l'individu, comme la croissance de la zone consciente de chacun d'entre nous, depuis l'enfance jusqu'à la mort. C'est ce que je vais essayer de rendre plausible.

Traduction.

Voici les origines des cieux et de la terre quand ils furent créés.

Nous sommes au chapitre 2, verset 4. Le verset 3 nous dit que Dieu se repose de toute l'oeuvre qu'il venait de faire, en ce septième jour de sa création. Cela semble bien prouver que les scribes ont réellement tenu à ce que les deux genèses soient imbriquées l'une dans l'autre. Car la différence entre les deux genèses serait plus visible, si ce verset était le premier du chapitre 2.

Selon ma lecture, uniquement centrée sur l'homme, les origines dont on va nous parler sont celles de la naissance du conscient (le ciel) chez le préhominien (la terre). Je rappelle que la terre peut aussi symboliser cette "terre intérieure" - consciente et inconsciente - dont l'homme doit devenir le propriétaire. La Terre Promise est notre inconscient, qui nous est cadenassé.

Lorsque l'Eternel Dieu fit la terre et les cieux, aucun arbuste des champs n'était encore sur la terre, et aucune herbe des champs ne germait encore: car l'Eternel Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n'y avait point d'homme pour cultiver le sol. Mais une vapeur s'éleva de la terre, et arrosa toute la surface du sol.

L'arbre est un symbole de l'être humain. On le sait en psychologie, où le test de l'arbre est révélateur du psychisme de celui qui le dessine. Plus largement, le jardin est un symbole de l'âme, et un rêve de jardin en friche signe l'état intérieur d'un rêveur qui se sent 'abandonné'... En revanche, un jardin magnifique parle de bien-être intérieur, d'épanouissement de l'âme.

Nous sommes donc là au moment où le préhominien, encore totalement animal, va devenir homme... en prenant conscience. La raison en est donnée. Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre, ce qui signifie, dans la langue symbolique, que Dieu n'avait pas encore utilisé l'eau de l'inconscient pour faire 'germer' la conscience humaine. Les rêves de pluie sont en général symptômatiques de la croissance du conscient du sujet. On a vu, dans la genèse précédente, que la conscience naît obligatoirement de l'inconscience, à travers la symbolique du soir et du matin, le second sortant du premier.

Sans cette eau, qui vient fertiliser la terre aride du conscient, le règne humain n'aurait pas pu émerger du règne animal. C'est dit symboliquement dans la seconde phrase. 'Il n'y avait point d'homme pour cultiver le sol.' Cette vapeur, qui s'élève de la terre, représente donc l'eau de l'inconscient, qui sort de l'être humain, et va faire germer le conscient.

Plan collectif et plan individuel. Nous sommes aux origines de notre humanité, mais nous sommes tout aussi bien aux origines de chacun d'entre nous, lorsque nous sortons de l'utérus maternel, dans la plus totale inconscience.

L'Eternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint une âme vivante.

C'est ici que l'homme est appelé Adam, d'un mot hébreu Adamah, qui signifie Terre. Chouraki traduit "Adam, le glébeux, poussière de la terre, adamah." Cela coïncide bien avec l'hypothèse de l'inconscience totale, propre aux animaux, et aux nourrissons. L'homme est né de l'évolution des trois règnes précédents. Il appartient au quatrième règne, celui qui va être marqué par la conscience. La conscience est symbolisée par l'air, en opposition à l'eau de l'inconscient. Dans la première genèse, elle était la lumière en opposition aux ténèbres de l'inconscient. Ici, effectivement, Dieu souffle la vie dans Adam, qui devient alors un être vivant.

Former l'homme de la poussière de la terre peut se traduire = Tirer l'homme de la matière vivante inconsciente, pour lui insuffler la conscience.

Le lien direct entre Dieu et la vie ne suffit pas, puisque les animaux aussi sont vivants. Il ne s'agit donc pas seulement de la vie du corps, mais bien de celle de l'âme, dont l'essence est divine, puisque ce serait Dieu lui-même, qui incarnerait son propre potentiel dans notre humanité, à travers la conscience. Par conséquent, l'homme animal (poussière de la terre) devient à l'image de Dieu (âme vivante=être vivant), à l'instant où il devient conscient, c-à-d humain. Ensuite, certes, le chemin est long, mais le premier pas est franchi.

L'homme de la Préhistoire a mis des millénaires pour affirmer ses prises de conscience et les multiplier.

De la même façon, le bébé va prendre conscience peu à peu, jusqu'à garder en mémoire son premier souvenir, qui marquera la naissance sûre et définitive de sa zone consciente.

Puis l'Eternel planta un jardin en Eden, du côté de l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait formé.

Eden signifie 'délices', et se trouve à l'Orient, c-à-d à l'Est, symboliquement, le conscient. Ce qui se trouve à droite est en effet généralement la zone consciente, alors que la gauche évoque l'inconscient, symbolique très fréquente dans les rêves. Conscience et humanité sont bien liées. De plus, l'idée des délices indique fortement que c'est la conscience qui en est la source.

Le parallèle entre l'humanité et l'individu reste pertinent. Les victoires du conscient ont pris des milliers d'années pour notre humanité, chaque génération partant des acquis de la précédente, sur lesquels elle fonde ses propres découvertes. Chez l'individu, cette évolution se fait au cours de la vie de chacun d'entre nous et nous permet d'avancer au fil de nos expériences, quand nous en tirons les leçons.

L'Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de la vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.

Les arbres de toute espèce parlent de la diversité humaine, à travers les nombreuses prises de conscience qui émergent dans chaque individu, et dont le groupe profite en les transmettant à la génération suivante. Cela rappelle la nourriture allouée à l'homme dans la genèse précédente.

Tout arbre ayant en lui du fruit d'arbre et portant de la semence. = Nourriture affective, transmise par la reproduction (la semence) qui donne du fruit (l'enfant). Les liens familiaux sont donc agréables à voir, et tout aussi naturels que chez les mamifères, chez lesquels l'instinct maternel est indispensable pour l'élevage des petits. Ils sont donc bons à manger, puisqu'ils permettent la croissance psychique (chez l'être humain). Un enfant grandit dans son corps grâce à ce que ses parents mettent tous les jours dans son assiette, mais il grandit dans son âme, grâce à l'affection qu'ils lui dispensent. C'est pourquoi une enfance meurtrie par manque d'amour, pérennise dans l'âme un bébé qui perturbe gravement la vie de l'adulte, et qu'il est indispensable de faire grandir symboliquement.

Mais il y a aussi l'arbre de la vie. Il ne peut s'agir de la vie terrestre, puisque nous l'avons automatiquement à la naissance, comme tout le règne animal. Non. Il ne peut s'agir que de la vie qu'on appelle éternelle, autrement dit de l'immortalité de l'âme. Cette immortalité est associée, dans le texte même, à l'arbre de la connaissance du bien et du mal. La connaissance parle évidemment de la conscience humaine, puisque nous sommes les seuls êtres vivants à la posséder. Cette conscience va permettre à l'homme de faire la différence entre le bien (=son âme d'essence divine) et le mal (=son ego animal).

Autrement dit, c'est la connaissance (de soi-même) qui donne accès à l'arbre de vie - à la vie éternelle. Un être humain totalement conscient de lui-même (de qui il est vraiment), deviendrait cette identité-là, son âme immortelle, d'essence divine. Selon cette analyse, l'arbre de vie permettrait à l'homme de devenir Dieu (sa véritable identité).

Note. J'ajoute sans attendre que notre 'divinité' ne sera rien d'autre que nos valeurs humaines, celles du coeur. C'est cela qui fera de nous des dieux - c'est-à-dire des hommes dignes de ce nom.

Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jardin, et de là, se divisait en quatre bras. Le nom du premier est Pischon ; c'est lui qui entoure tout le pays de Havila, où se trouve l'or. L'or de ce pays est pur ; on y trouve aussi le bdellium et la pierre d'onyx. Le nom du second fleuve est Guihon ; c'est celui qui entoure tout le pays de Cusch. Le nom du troisième est Hiddékel ; c'est celui qui coule à l'orient de l'Assyrie. Le quatrième fleuve, c'est l'Euphrate.

Tout ce qui est eau symbolise l'inconscient. On peut donc faire une approche rapide et globale. L'inconscient entoure et pénètre la zone consciente, et c'est dans l'inconscient que se trouve le trésor intérieur (=Dieu= l'âme=notre humanité), cette humanité dont la conquête n'est toujours pas achevée.

On retrouve dans ce passage la symbolique des chiffres.

Plan collectif. Tous ces versets semblent mettre en scène l'apparition de l'homme, avec ses différents aspects, l'inconscient, le conscient, l'ego, l'âme et le corps. Les noms cités évoquent l'identité, comme toujours. Cette identité est multiple et complexe, puisque chacun d'entre nous est différent et unique. Notre base commune, c'est que nous venons du règne animal, et que nous devons en sortir complètement, pour accomplir notre humanité, en toute conscience. De ce point de vue, on peut dire que chaque génération gagne effectivement sur la précédente.

Sur le plan personnel, chaque être humain réussit cette évolution, dans sa propre vie, avec plus ou moins de bonheur.

L'Eternel Dieu prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Eden pour le cultiver et pour le garder.

Voilà donc notre mission. Cultiver et garder notre jardin intérieur (conscient + inconscient). Faire croître le premier en utilisant le second. Et protéger les deux des incursions et de la tyrannie de l'ego.

Cette traduction montre l'homme, conscient, prêt à entamer son évolution. C'est une genèse en soi.

La suite nous livre des informations essentielles. Le cadre est donné, avec l'être humain au centre. Le texte se focalise ensuite sur Adam, dans une sorte de zoom. Un dialogue va s'installer, qui veut nous donner les moyens de démêler notre dualité intérieure = notre âme et notre ego.

L'Eternel Dieu donna cet ordre à l'homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement.

Il est impossible que Dieu ait ordonné à l'homme de ne pas accéder à la conscience (l'arbre de la connaissance), puisque sa mission est de la faire fructifier. C'est le don spécifique de Dieu à sa créature la plus évoluée, celle qui va sortir du règne animal, pour devenir pleinement humaine, c-à-d pleinement consciente, (=pleinement divine), si on admet que c'est la conscience de ce que nous sommes, qui nous fait à l'image de Dieu.

Note. Dieu a déjà donné la conscience au préhominien, appelé Adam (=le terreux, de 'Adamah', la terre), en faisant de lui une âme vivante (un 'être' vivant dans le texte hébreu). L'homme relève en effet des valeurs de l'être. L'ego relève du paraître et de l'avoir. Le paraître implique le mensonge, l'avoir implique les possessions extérieures. S'il reste enfermé entre ces deux pôles (paraître et avoir), l'être humain perd son identité vraie (son être), et sa liberté.

Il y a donc ici un vrai problème, que je résous toujours de la même manière. Dieu s'adresse tantôt à l'homme global, tantôt à son âme humaine, tantôt à son ego animal. Ici, il s'adresse évidemment à l'ego, et lui interdit de décider à la place de l'homme, de ce qui est bien et de ce qui est mal, car l'ego, en tant qu'animal, ne peut que dénaturer ce qui est humain en nous (=notre conscience=notre divinité).

C'est donc lui qui est frappé d'interdit, car il est incapable de faire la différence entre le bien et le mal. S'il le fait, (et il l'a toujours fait...), il sera puni, c-à-d qu'il mourra.

Or les animaux meurent aussi... mais ils n'en ont pas conscience. Ils ne craignent pas la mort, puisqu'ils ignorent qu'elle les attend.

L'ego humain a un statut très particulier. Ayant accédé à la conscience par le simple fait d'être à l'intérieur de l'homme, il va souffrir de la peur de la mort, parce qu'il va la voir venir. Et comme seule, l'âme humaine est immortelle, lui seul va mourir, en même temps que le corps, promis à la poussière, puisque tout ce qui est matière est mortel.

L'ego va-t-il vraiment mourir? Peut-être... et peut-être pas. Car une autre approche est possible. L'ego ne peut s'identifier qu'au corps. Les animaux n'ont aucune idée d'une quelconque survie, ou d'une dimension divine. Pour eux, la seule réalité est terrestre, matérielle et physique. C'est pourquoi notre ego se fonde uniquement sur le corps et la vie extérieure. Mais le corps doit mourir un jour. L'ego, non dissocié du corps, pense obligatoirement qu'il va mourir aussi. Cela suffit pour le terroriser. Si l'homme s'identifie à lui, il connaît la même terreur...

Quand l'ego choisit de croire en Dieu, il lui faut un dieu à son image, qui impose sa loi, qui punit et récompense, qui aime sous conditions, et surtout, surtout, qui fonctionne par le miracle et la magie. On reconnaît là, la base de toutes les religions, qui ont été et sont encore récupérées par l'ego, partout à la surface de la terre. Aujourd'hui, beaucoup de voix s'élèvent pour refuser ce dieu impitoyable, qui règne par la terreur. C'est pourquoi je suis persuadée que nous sommes prêts à créer un autre Dieu, qui nous aime vraiment et qui nous conduira enfin vers notre humanité.

Note. En fait, cette approche montre que nous rendons vrai ce à quoi nous croyons. C'est en cela que la pensée est créatrice. Nos certitudes deviennent notre réalité sur le plan relatif, terrestre. Cela ne signifie pas que ce soit vrai dans l'absolu. Mais cela est vrai dans notre mental, donc cela se manifeste dans notre vie éveillée.

C'est pourquoi la plupart des hommes ont peur de mourir. Nous sommes tous plus ou moins identifiés à notre corps, et donc à notre ego. Quand la malédiction divine touche celui-ci, il est bien évident que, si nous croyons être lui, nous la recevons de plein fouet. C'est ce qui nous gâche notre vie terrestre. Toutes les angoisses que nous éprouvons sont en fait celles de notre ego. Comme tous les tyrans, il gouverne par la terreur. (cf Phobies et TOCs). Il nous juge, nous punit, et nous fait croire que le dieu auquel nous croyons est exactement comme lui. En fait, c'est lui.

La peur est la racine du fonctionnement de l'ego. Elle génère la haine, l'agressivité, la violence, la honte, le mensonge. Cela peut aller jusqu'à nous rendre meurtriers (destruction d'autrui), ou suicidaires (destruction de soi). Tous les troubles psychiatriques sont également la marque du gouvernement de l'ego.

Humanité et individu. C'est à mon sens, la seule approche qui permette de rendre cette genèse intelligente parce qu'en accord avec ce que nous savons de l'évolution humaine, et de ses origines. En accord également avec l'évolution de chaque individu. Un bébé n'a pas conscience de la mort. En grandissant, il y est un jour ou l'autre confronté. Quand l'ego s'empare de ce concept, il le dénature, soit en distillant l'angoisse de la mort (c'est le plus courant), soit en la présentant comme la solution (=tuer l'autre ou se tuer soi-même).

Les nombreuses théories en psychologie, psychanalyse, philosophie et théologie, pourraient trouver là matière à un consensus fécond.

L'Eternel Dieu dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui.

On retrouve ici la parole, comme dans le verset précédent. Mais cette parole n'est pas un ordre. Elle est juste un constat, ce qui indique probablement que là, Dieu s'adresse à l'homme. S'il est seul, en effet, il ne pourra pas échapper à son ego. Il lui faut l'aide de son âme féminine. Toutefois, une étape essentielle la précède.

L'Eternel Dieu forma de la terre, tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l'homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant porte le nom que lui donnerait l'homme. Et l'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs; mais pour l'homme, il ne trouva point d'aide semblable à lui.

Au premier degré, le texte semble dire que les animaux ont été créés après l'homme. C'est évidemment faux. Le règne animal nous a précédés, tout le monde le sait aujourd'hui. Seul, le second degré est acceptable. Cela signifie alors que nous devons identifier tout ce qui vit en nous.

La parole étant donnée à l'homme, parce qu'il est à l'image de Dieu (=parce qu'il a une âme immortelle= parce qu'il est cette âme), elle doit être utilisée pour accéder à la connaissance de lui-même.

Le nom, justement, parle d'identité. L'homme doit savoir qui il est, quelles sont ses pulsions, et d'où elles viennent. Comme dans la genèse précédente, le bétail pourrait être le corps et ses instincts domestiqués; les animaux des champs, l'ego et sa tyrannie incontrôlable; les oiseaux, son âme et ses aspirations spirituelles. Cette analyse recoupe parfaitement les découvertes de la psychologie, même si l'ego n'a jamais été vu comme étant à l'origine de nos dysfonctionnements. Cela vient du fait que l'homme a toujours été considéré comme un tout, un être aussi unique que son corps. C'est faux. Nous sommes tous nombreux à l'intérieur - avec deux camps opposés, celui de notre âme contre celui de notre ego.

Ceci dit, l'aide essentielle programmée pour l'homme va être la dernière arrivée. Pour l'instant, elle n'est pas encore disponible.

Sur le plan extérieur, la femme a toujours été sous la domination masculine, et elle n'accède à l'égalité qu'en occident, et encore, avec difficulté. Cette difficulté vient du fait que l'homme (le mâle) n'a pas encore reconnu en lui-même ses propres valeurs féminines psychiques. Le jour où il les reconnaîtra, il est probable qu'il projettera cette reconnaissance sur le sexe opposé, et l'égalité pourra alors se mettre en place sur tous les plans.

Sur le plan intérieur, l'homme doit identifier tout ce qui grouille en lui, avant de pouvoir devenir ce qu'il est vraiment, son âme féminine. Alors seulement, cette âme pourra lui être une aide efficace.

Alors l'Eternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. L'Eternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise à l'homme, et il l'amena vers l'homme.

C'est dans le sommeil que l'opération se fait.

C'est en effet dans les rêves que l'âme féminine de monsieur peut le mieux se manifester. Encore faut-il qu'il la reconnaisse comme telle (=une partie de lui-même), au lieu de la projeter sur une femme extérieure, ce qu'Adam a fait, et ce que nous continuons à faire. Bien entendu, les femmes ont un homme intérieur (leur âme masculine), qu'elles projettent aussi sur un partenaire sentimental.

Note. Cette approche a été découverte par Jung, qui a identifié dans l'inconscient l'anima et l'animus. Malheureusement, il a ensuite confondu ces deux instances avec l'ego. En effet, l'ego est parfaitement capable de se présenter sous les traits d'un homme ou d'une femme. Dans ce cas, le rêveur sent - sait - qu'il ne peut lui faire confiance. C'est ce qui permet de l'identifier comme étant l'ego, et non pas une partie de soi, masculine ou féminine... Jung en a conclu que l'anima pouvait être un danger pour le rêveur. C'est une erreur dramatique, que les Jungiens continuent à faire encore aujourd'hui. Je l'ai moi-même commise au début de ma pratique.

Reprenons le texte.

Et l'homme dit : Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.

Je me souviens avoir assisté une fois à la conférence d'un prêtre, qui avait parlé de ce verset.

"Soyons sérieux, avait-il dit. Si Dieu vient de créer l'homme, comment celui-ci peut-il parler de son père et de sa mère ? D'où sortent-ils ? Car enfin, c'est Adam qui parle. Et comment peut-il évoquer ses géniteurs, alors que, selon le texte, il est en face de son Créateur, Dieu ? Il faut donc reconnaître que ce verset a un sens symbolique."

Mais il ne précisa pas lequel. Je vais donc proposer le mien.

Notre identité psychique. Tout d'abord, si on lit le texte sans même chercher à l'interpréter, on voit bien que la femme dont on nous parle fait partie de l'homme. Elle est os de ses os et chair de sa chair. Elle est donc lui. Certes, cela suppose qu'on accepte cette dualité masculin / féminin, dualité d'ordre psychique uniquement, mais qui a toujours été refusée par toutes les civilisations patriarcales. De même, les rares civilisations matriarcales (elles ont existé et certaines existent encore) ont refusé de partager le pouvoir avec les hommes. Comme si les deux sexes pouvaient se mettre en danger mutuellement. Cela vient uniquement du fait que l'ego s'insinue entre le conscient et l'inconscient, pour prendre le pouvoir, et installer immédiatement un rapport de forces.

Pourtant, le texte est clair, si on admet que tout le verset parle de l'intérieur des êtres humains. L'homme doit quitter son père et sa mère (=devenir pleinement adulte = couper son cordon ombilical), et il doit s'attacher à sa femme intérieure (=son âme féminine, pour un 'mâle', et masculine pour une femme), et cette opération psychique d'union intérieure, de mariage entre le conscient et l'inconscient, va lui permettre de devenir pleinement humain. Car faire une seule chair (=un seul corps) est tout simplement impossible en dehors d'une interprétation sur le plan de l'âme.

Cette approche est d'autant plus probable que l'homme, ici, est appelé isch, et la femme ischa. Adam est le terreux, celui qui a précédé l'homme. Isch est cet homme, doué de conscience, et d'une âme féminine. Malheureusement, Adam nous colle à la peau, à cause de l'ego, qui fait tout ce qu'il peut pour nous faire croire que notre dimension physique, terrestre, nous suffit largement.

L'homme et la femme étaient tous deux nus, et ils n'en avaient point honte.

La nudité parle toujours, dans un rêve, de l'expression 'se mettre à nu', c-à-d être vrai, authentique, être soi, sans façade, sans faux-semblant. Le texte semble donc dire ici que l'être humain, au commencement, était ce qu'il était, et ne se jugeait pas. Il n'avait pas honte de lui-même. Il faut préciser que les animaux non plus, ne connaissent pas la honte. Ils agissent en suivant leurs pulsions, et on peut supposer que le préhominien avant de prendre conscience, était dans le même état d'esprit. C'est en devenant homme (en prenant conscience) qu'il a commencé à se juger.

Cela est vrai également pour le petit enfant, lorsqu'il prend conscience qu'on le regarde. Par exemple, s'il fait une pitrerie spontanée, il voit ses parents rire, et il la refait, cette fois pour obtenir un résultat. Cela devient un rôle qu'il joue, pour exister. Si cela se reproduit trop souvent, il risque d'y perdre son identité vraie, pour se conformer à une personnalité (de façade), qui n'est pas lui, mais qui lui pemet d'être aimé, c'est du moins ce que son ego lui souffle...

Et c'est justement ici que l'ego intervient dans le texte...

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Eternel Dieu avait faits.

Voilà l'ego. Le Rusé, le Malin, caractéristiques du Diable, ce diable qui est un des nombreux symboles de l'ego.

Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez point du fruit des arbres du jardin ?

C'est ici que l'ego réussit à faire croire à l'être humain qu'il est sa véritable identité. Comme il est à l'intérieur de lui, c'est très facile. Il est en effet cette voix qui nous dit "Tu es coupable, je te condamne, ou je te hais". Lorsque nous nous détestons, cela indique simplement que nous sommes identifiés à notre ego, car lui seul nous déteste.

Dans toutes les langues, la forme pronominale met en scène notre dualité intérieure. Hélas, la psychologie n'a jamais suivi cette piste, sauf dans les cas de schizophrénie, que la psychiatrie appelle un dédoublement de la personnalité. Du coup, on en a plus ou moins peur, si bien que les gens - nombreux - qui se sentent deux, préfèrent se l'interdire, car ils ne savent pas le gérer. Alors que la seule vraie solution, consiste à savoir que c'est la base même de notre humanité, et qu'il faut simplement interdire à cet autre, qui est en nous, de prendre le pouvoir. S'il le fait depuis toujours, c'est uniquement à cause de notre ignorance face à cette situation.

Ici, l'ego pose une question très insidieuse. 'Est-ce vrai que vous ne devez pas manger du fruit des arbres du jardin ?' Le glissement est subtil, et l'homme ne pouvait faire la différence entre sa véritable identité, qui émergeait à peine, et cet autre aspect de lui, qui lui venait du fond des âges, et qu'il partageait avec tout le reste de la création. L'interdit ne s'adresse qu'à l'ego, mais l'être humain le prend pour lui.

En fait, il était impossible à l'homme de répondre à cette voix intérieure : Non ! C'est toi qui ne dois pas en manger. Moi, j'en ai le droit, j'en ai même le devoir, car c'est ma nourriture spécifique, en tant qu'être humain, parce que je suis fait à l'image de Dieu, j'ai la conscience comme lui, et je dois la faire croître par la connaissance.

Toute cette analyse est valable aussi pour un enfant, qui laisse l'ego penser à sa place, en croyant que cela vient de lui. Car le pouvoir de l'ego s'installe pendant l'enfance, puis continue à s'exercer dans l'âge adulte, quand le pli est pris.

Tant que nous ne saurons pas que l'ego est à l'intérieur de nous, comme un ennemi que nous ne devons pas écouter, et auquel nous ne devons pas donner la parole, nous serons incapables de nous défendre contre ses idées bizarres, incongrues, idiotes, cruelles, en un mot animales. Ce qui est mis en mots dans l'expression 'être bête'...

La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.

Le dialogue est intérieur, entre les deux protagonistes, l'ego et l'âme humaine. Car enfin, les serpents ne parlent pas. Celui-ci est donc forcément une instance intérieure, qui cherche à prendre le pouvoir. La femme est un aspect féminin de l'homme, plus intuitif que lui, plus proche de la vérité, mais qui va malgré tout se laisser avoir. On remarque qu'elle cite Dieu. Celui-ci avait dit Tu à l'ego. Là, elle répète Vous. Elle s'est laissé englober dans le 'Vous' du serpent.

L'explication de texte, encore une fois, fait surgir l'emploi des pronoms personnels, qui sont la clé de cette genèse. Le Tu implique une seule personne. Le Nous et le Vous indiquent un pluriel. Le masculin et le féminin sont deux aspects de l'âme humaine. L'ego est son aspect animal. Cet aspect-là ne fait pas partie de notre identité.

Niveau collectif et niveau personnel. Le jour où chaque être humain fera la différence entre la voix de son coeur et celle de son ego, l'humanité s'acheminera vers son âge d'or.

Alors, le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal.

L'ambiguïté n'est que dans le pronom personnel. Car tout le reste est vrai. Devenir conscient, prendre conscience de sa véritable identité, c'est effectivement 'Ouvrir les yeux', c'est vraiment devenir comme Dieu (=conscient), c'est donc faire la différence entre le bien (=l'âme) et le mal (=l'ego). Mais cela suppose qu'on soit identifié à son âme, pas à son ego. L'ego est incapable d'utiliser correctement cette compétence, pour la raison très simple que lui, il a été conçu dans le règne animal pour être soumis à la loi du plus fort, visible dans le principe de la chaîne alimentaire. Pourtant, grâce au 'Vous', il s'est exclu du processus, et a refilé l'interdit à l'homme.

Note. On pourrait traduire ce passage comme étant la naissance du conscient chez l'être humain. Mais comme il a déjà nommé les animaux, cela équivaudrait à un recul, à une redite sans grand intérêt. Par ailleurs, le texte est au futur, ce qui peut avoir du sens. Et j'aime bien cette idée que l'humanité évolue au fil de ses prises de conscience, et que la dernière n'est pas encore faite, puisqu'elle concerne l'ego.

Le premier degré nous condamne. Le second nous reconnecte à notre véritable identité humaine :

La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea.

Et c'est très bien ! Les deux aspects spécifiquement humains sont ici représentés, le féminin et le masculin, ou encore l'inconscient et le conscient, qui sont les deux moitiés de notre âme. Comme dans la genèse précédente, l'accès à la conscience vient directement de l'inconscient. Le matin venait toujours après le soir... et ici, le masculin conscient est nourri par le féminin inconscient. Ce processus se perpétue depuis les origines de notre humanité. Il s'installe automatiquement, et c'est ce qui nous fait malgré tout progresser. Si mon décodage est juste, l'évolution prendra un essor spectaculaire, le jour où tout le monde saura que nous sommes tous deux à l'intérieur....

Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.

Prendre conscience de soi. Depuis toujours, le regard de l'homme sur lui-même est pollué par son ego.

La honte d'être ce qu'il est, le pousse à se cacher derrière une façade (=les feuilles de figuier). Le paraître relève toujours de l'ego, de même que la condamnation. On sait du reste parfaitement relier les jugements à la jalousie. Dire du mal de quelqu'un a souvent pour support de la jalousie vis-à-vis de lui. Ici, c'est le cas. L'ego est jaloux de ce qui a été donné à l'homme, parce que cela lui a été refusé, à lui. Il se venge en lui disant : Mais regarde-toi ! Quelle misère... Tu n'as ni fourrure, ni griffes, ni crocs pour te défendre. Honte sur toi !

Et l'homme a entériné ce discours, en sortant de l'animalité. Le terrible, c'est qu'il l'entérine toujours, parce que toutes les religions lui ont affirmé qu'il était indigne, grâce à différentes formules, dont une des plus meurtrières est : "Vous êtes nés dans le péché." Il n'y a pas pire, selon moi, car un nourrisson est totalement innocent, mais cette approche, qui le stigmatise, en fera un coupable, inéluctablement. Le péché en question étant l'acte sexuel, ses parents le sont aussi. Il n'y a pas de porte de sortie. N'oublions pas que cette formule vient directement de l'ego, qui a récupéré toutes les religions pour son usage personnel.

Sur le plan individuel, chacun d'entre nous connaît cela. L'autocondamnation est un frein puissant à notre bien-être. Je rappelle les cinq discours fondamentaux de l'ego = La peur, la culpabilité, la honte (dévalorisation de soi), le doute, les interdits ou les obligations.

Alors, ils entendirent la voix de l'Eternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l'Eternel Dieu, au milieu des arbres du jardin.

Dans ses rêves, l'homme entend toujours cette autre voix, qui lui parle dans son inconscient (le soir), mais la honte est la plus forte, et sa peur d'être jugé montre simplement qu'il est, dans ces cas-là, complètement identifié à son ego. C'est ce que lui ont dit toutes les religions, elles-mêmes victimes de l'ego. Hélas, Freud aussi (le père de la psychanalyse) a alimenté cette peur, à travers sa définition du rêve, donné comme étant "la réalisation d'un désir inconscient". Cela suffit à inspirer la peur d'entrer dans l'inconscient, surtout à cause des rêves de mort, qui sont compris comme un souhait inconscient de la mort de quelqu'un. Ce qui est faux. Le rêve indique seulement au rêveur son état psychique intérieur au moment du rêve.

Sur le plan personnel, je dis souvent que l'ego fait la sottise, puis se retourne contre son co-équipier, et l'accuse de l'avoir faite. Tant que nous ne ferons pas la différence entre lui et nous, il continuera à nous berner. Quand il se mêle de comprendre les rêves et les Ecritures, il reste au premier degré (le fondamentalisme), ou les interprète de travers.

Mais l'Eternel Dieu appela l'homme et lui dit : Où es-tu ?

C'est une des trois questions existentielles qui hantent l'homme depuis toujours.

Qui suis-je ? Suis-je mon âme ou mon ego ? Suis-je humain ou animal ?

D'où est-ce que je viens ? Mon corps, bien sûr, vient de mes géniteurs. Mais mon âme consciente vient directement de cette source vivante, qui est mon inconscient.

Et où est-ce que je vais ? Ma dimension physique va vers la mort, certes. Mais mon véritable but, c'est la sortie définitive de l'inconscience, c'est la pleine conscience de ma véritable identité, d'essence divine, c-à-d de mon humanité.

Ici, la question est Où es-tu ? Sur ton chemin de croissance, où te trouves-tu ? Qu'as-tu compris de ton évolution ? Depuis ta sortie de l'inconscience totale, qu'as-tu décidé d'être ?

Il répondit : J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.

La peur, source de la honte. Sur le chemin de son évolution, l'homme a un redoutable obstacle, la peur. Toutes les peurs sont générées par l'ego. Mais nous ne le savons pas. Nous croyons qu'elles nous appartiennent.

L'homme n'a pas à avoir peur de Dieu, puisque Dieu, en dernière analyse, c'est son âme, c'est lui. Oui. S'il est fait à son image et à sa ressemblance, c'est bien ce que cela signifie. Ou alors, tirons un trait, n'en parlons plus, et jetons toutes les Ecritures au panier...

En revanche, si ce texte est porteur d'un sens intelligent, alors, cela peut apporter un crédit à l'existence de Dieu. Pour obtenir ce résultat, il faut faire l'hypothèse de l'ego.

Celui qui a peur, c'est l'ego, parce qu'il a enfreint l'ordre divin. Et si l'homme s'identifie à cet ego, il connaît la peur. Du coup, il a honte de ce qu'il est, lorsqu'il se met à nu. C'est pourquoi le vêtement est un symbole du paraître.

La peur est le fondement même du gouvernement de l'ego. Elle induit l'agressivité, le doute, l'inquiétude de l'avenir, les obligations et les interdits, la honte et la culpabilité tous azimuts. Cette peur, chacun d'entre nous la connaît, parce que nous l'avons tous vécue dans notre chair et dans notre coeur, à un moment ou à un autre. Pour certaines personnes, cette peur est permanente et s'étend à tout ce qui les touche.

Dans sa réponse, l'homme montre clairement qu'il croit être son ego. Voilà notre seul 'péché'.

Et l'Eternel Dieu dit : Qui t'a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ?

Dieu s'adresse à l'ego, car c'est lui seul qui avait reçu l'interdiction, selon mon analyse. Mais hélas, la suite du dialogue confirme que l'homme a pris cette interdiction pour lui, parce qu'il s'est identifié à son ego.

L'homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé. Et l'Eternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé.

C'est la réaction en chaîne. L'homme répond à la place du serpent, en disant Je, et accuse son âme féminine, qui elle-même reprend le Je et précise qu'elle a suivi le conseil du serpent, ou plutôt, qu'il l'a séduite. Or on sait bien que le diable est appelé le Séducteur. Croire aux discours mensongers du séducteur, quel qu'il soit, suffit à lui donner le pouvoir. C'est se mettre sous sa tutelle, par naïveté, par excès de confiance. On y perd son identité.

Il y a pourtant une remarque à faire, si on s'appuie sur l'explication de texte. Que nous disait le verset 6?

La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea.

Cela ressemble très fort à une décision consciente, réfléchie - intelligente. Le texte est très positif, il donne l'impression que la femme sait ce qu'elle fait et le fait en toute conscience, parce qu'il fallait le faire. Il n'y a là aucune culpabilité. Le résultat est immédiat, puisque leurs yeux s'ouvrent, mais c'est quand ils se voient nus que l'ego intervient. Pas avant.

Celui qui est vraiment coupable, c'est, encore une fois, l'ego. Lui seul ne devait pas manger de ce fruit.

Or, effectivement, il n'en a pas mangé. Relisez le texte. Il n'en a pas mangé. Seuls, l'homme et la femme en ont mangé. Cela pourrait vouloir dire deux choses.

La première parle du plan extérieur, et confirme que les animaux ne peuvent pas avoir de conscience. Ils obéissent à leurs instincts inconscients et à leur ego, qui obéit lui-même à un programme pré-établi, dont il ne peut sortir.

La seconde parle du plan intérieur, et confirme la même chose, pour notre gouverne personnelle. L'ego, à l'intérieur de nous, ne peut être fiable, car il ne peut prendre une décision intelligente ou raisonnable. Nous devons nous méfier de lui constamment, car il reste de toute façon un animal, ligoté dans un programme pré-établi dont il ne peut sortir, comme ses congénères extérieurs.

L'ego usurpe notre identité. Ce serait donc lui qui répond chaque fois à la question posée, non pas parce qu'il a mangé du fruit, mais parce qu'il usurpe l'identité humaine. Je m'explique. L'homme identifié à son ego dit "Ce n'est pas moi, c'est elle!". Sa partie féminine, identifiée, elle aussi, à l'ego, dit "Ce n'est pas moi, c'est lui, le serpent." Elle accuse donc l'ego, le serpent, qui lui ne dit rien. Ce n'est pas la peine. Il est coupable, non pas d'avoir accédé à la conscience, mais de nous faire croire que les interdits (et les malédictions) qui le frappent, nous frappent aussi...

L'Eternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail, et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.

La malédiction touche l'ego. Là encore, l'analyse du texte est révélatrice. Puisque tu as fait cela. Quoi donc? Il n'a rien mangé! Alors? Qu'a-t-il fait? La femme vient de dire Le serpent m'a séduite et J'en ai mangé. Le diable des religions n'est-il pas appelé le Séducteur ? D'après Chouraki, l'hébreu utilise le verbe 'abuser'. Voilà ce que l'ego a fait. Il nous abuse depuis toujours, depuis notre première prise de conscience, que ce soit sur le plan collectif ou individuel, en nous faisant croire qu'il est notre véritable identité, en s'insinuant à notre place.

Cela n'a jamais été compris ainsi. Le serpent est très souvent (trop souvent) identifié au sexe. C'est faux. Le serpent, avec sa langue bifide, est un symbole fort de cet ego animal qui reste en nous, et qui nous met constamment en danger - intérieurement et extérieurement. Je ne parle même pas de la terrible erreur qui fait de lui un symbole de sagesse, ce qui est un comble. Evidemment, c'est lui qui souffle cette symbolique à l'homme...

Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.

La véritable guerre, celle qui décide de tout, c'est celle que notre âme doit mener contre notre ego. L'ego étant d'abord dans le mental, c'est dans la tête qu'il faut l'écraser. Mais lui, ne s'embarrasse pas d'attaquer de face. Il préfère la perfidie d'une attaque par derrière.

Il dit à la femme : J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.

Toutes les souffrances humaines trouvent ici leur explication. En effet, sur le plan collectif, les générations se succèdent, et les souffrances se multiplient. Toutes les épreuves viennent du fait que l'ego nous domine.

Le plan intérieur pointe la confusion entre l'âme et l'ego. En effet, la difficulté à devenir soi-même (=à accoucher de sa véritable identité) provoque de la souffrance psychique. Et cela vient du fait que l'être humain (homme ou femme), se laisse dominer par son ego. C'est la situation connue du ménage à trois. Sur le plan intérieur, elle est universelle, et se manifeste quelquefois sur le plan extérieur, à travers l'adultère.

L'expression 'épouser les valeurs de l'ego' est ici mise en scène. C'est alors qu'il domine sur nous, qu'on soit homme ou femme. Bien entendu, la source étant intérieure, la même situation va se produire à l'extérieur, selon la règle de la projection. Tout ce qui est inconscient est projeté. Nous le vivons alors sur le plan relationnel, familial, sentimental, social, politique et religieux. Les rêves en parlent souvent à travers le verbe 'tromper'. = Le rêveur se trompe, ou se laisse tromper... par son ego.

Il dit à l'homme : Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre, au sujet duquel je t'avais donné cet ordre: Tu n'en mangeras point ! le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie, il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l'herbe des champs.

Là encore, la malédiction s'adresse à l'ego. C'est à lui que l'interdiction s'adressait, car le règne animal n'a pas été conçu pour devenir conscient. Cette malédiction ne frappe l'homme, que parce qu'il s'est identifié à son ego. Cela vient du fait tout simple qu'il se croit coupable. Si la conscience le rend semblable à Dieu, encore faut-il qu'il se connecte à son humanité et qu'il la fasse croître, sans laisser son ego la dénaturer. Dans la genèse précédente, l'herbe des champs était la nourriture réservée à l'ego, ce qui excluait pour lui le droit de dévorer l'homme. Ici, elle est lui est encore donnée. Mais l'homme identifié à son ego va la prendre pour lui.

J'affirme que les ronces et les épines qui remplissent trop souvent la vie des êtres humains sont directement liées au gouvernement de l'ego. Celui-ci ne peut concevoir une autre dimension que celle de la matière et du plan terrestre. Il persuade l'homme que c'est sa seule réalité. Nous y perdons notre âme, depuis toujours...

C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.

Cette remarque prouve bien (à mon sens) que ce verset s'adresse à l'ego, car lui seul est de dimension terrestre, lui seul veut se nourrir uniquement des valeurs matérielles, ce qui rend sa mort inéluctable. Alors que notre âme, si elle est d'essence divine, ne peut mourir.

En fait, si elle est Dieu en nous, cet aspect psychique immortel ne peut retourner à la poussière, car il ne vient pas de là. Hélas, tant que l'homme s'identifiera à son ego, il subira le même sort que lui, tout au moins pendant son passage sur terre. Car à la mort du corps (et de l'ego) on peut supposer que cette identité divine se manifeste automatiquement, et que l'homme est alors délivré de toutes ses souffrances, du simple fait qu'il cesse de s'identifier à son ego - à ce qu'il n'est pas.

Adam donna à sa femme le nom d'Eve, car elle a été la mère de tous les vivants.

Symboliquement, les vivants relèvent de l'âme, alors que les morts relèvent de l'ego. Eve, mère de tous les vivants, c'est Dieu en l'homme, et c'est l'homme lui-même qui la nomme ainsi, parce qu'il a toujours senti en lui cette instance. Adam vient du mot adamah, qui signifie terre. Notre âme vivante est dans notre corps, symbolisé par la terre. C'est probablement cette âme qui nous a fait inventer, espérer et croire en Dieu au fil des âges et des civilisations. Mais notre ego a fait de nos aspirations spirituelles des religions-carcans, dans lesquels notre humanité étouffe depuis toujours.

Heureusement, aujourd'hui, nous le disons. C'est le premier pas vers la délivrance.

L'Eternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit.

Il est très improbable que Dieu leur ait donné 'des habits de peau'... Pourquoi ? Parce que le vêtement est un symbole de la persona, c-à-d du paraître, de la façade. L'ego a déjà poussé l'homme à cacher sa nudité avec des feuilles de figuier. On a vu plus haut que cela induit la honte de soi.

Il est impensable que Dieu en rajoute. La seule chose qu'il ait donnée à l'homme, c'est la conscience, c-à-d la lumière intérieure, pour se connaître, et pour connaître le monde qui l'entoure.

Il se trouve que le texte hébreu utilise un mot dont le sens est totalement différent, selon la voyelle qu'on lui prête. Soit il s'agit du mot peau, soit du mot lumière. Les traducteurs, se fiant à un bon sens très terrestre, ont choisi la peau. Personnellement, je préfère la lumière, puisque cela donne au texte cohérence et sens psychique. Car Dieu a réellement donné à l'homme la conscience, cet habit de lumière.

L'Eternel Dieu dit : Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement.

Ici, on peut comprendre le texte comme un constat de la dualité humaine. Nous sommes à la fois comme Dieu (avec la conscience), mais nous sommes aussi comme notre ego animal, et cela nous empêche d'accéder à la vie de notre âme, tout au moins sur le plan terrestre, tant que nous serons identifiés à lui.

Et l'Eternel Dieu le chassa du jardin d'Eden, pour qu'il cultive la terre, d'où il avait été pris.

L'ego est chassé du paradis. L'homme identifié à son ego, se trouve exclu automatiquement, lui aussi, de la douceur de vivre sur le plan terrestre. Ce que l'ego cultive, c'est le corps (la terre, à laquelle il s'identifie), alors que l'homme a été créé pour cultiver son âme (le jardin des délices).

C'est ainsi qu'il chassa Adam ; et il mit à l'orient du jardin d'Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie.

Toute l'histoire de l'humanité trouve ici son explication. Nos vicissitudes sont générées par l'ego en nous, et tant que nous n'en prendrons pas conscience, nous ne pourrons accéder à l'arbre de vie (= à notre âme). Pour en prendre conscience, il faut le savoir intellectuellement, certes, mais il faut surtout le vivre afin d'en faire une expérience personnelle, chacun dans son monde intérieur. L'épée est un symbole de la connaissance de soi, parce qu'elle permet d'ouvrir, de trancher, afin de voir ce qui se trouve à l'intérieur de soi-même.

Cette épée, l'homme est programmé pour pouvoir s'en servir, un jour ou l'autre. Sinon, il est probable qu'il n'aurait pas été créé...

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